Citoyen et résilience

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extrait bandeau IHEDN site institut

Un membre de l’ASAF

Association de soutien à l'Armée Française

Introduction

En physique des métaux, la résilience est la qualité qui caractérise la capacité d’un métal à reprendre sa forme, à la suite d’une déformation. En psychologie, c’est la capacité à surmonter les chocs traumatiques. Dans les deux domaines, il s’agit d’une qualité, celle de résister à un choc. Nous nous intéresserons au domaine de la psychologie et particulièrement à celui des masses, la masse des citoyens qui peuple notre pays. Je me suis inspiré ici de l’article de M. Alexandre MALAFAYE en collaboration avec Brice de GLIAME (trimestriel « Engagement » de l’ASAF, n° 121 décembre 2018, pp. 31 à 33). Cet article méritait quelques compléments de ma part (AA-IHEDN, 1985) et extraits remaniés de l’ouvrage « 99 questions sur … la Défense » (Ouvrage collectif sous la direction de Paul-Henri GARCIA.- SCEREF-CRDP Languedoc-Roussillon, 2004, 232 p.).

1 – Les domaines d’application

En psychologie, la résilience s’applique à des être humains (individus ou groupes), à la collectivité nationale, au couple, à la famille, etc.

1.1 – Cas de l’individu ou du groupe

Le cas de l’individu ou du groupe met en question la capacité de faire face à « l’effet de sidération » qui suit un choc à revenir à sont état normal en dépit d’évênements douloureux ou violents tels, par exemple, un attentat terroriste faisant des victimes.

1.2 – Cas d’une nation (collectivité nationale)

Le cas d’une nation s’apprécie au moment de crises, de catastrophes naturelles, d’accident majeur, de guerres et d’attaques terroristes, etc. Pris dans son sen le plus positif, le terme évoque l’aptitude à se redresser, à se relever collectivement sans avoir remis en cause ses valeurs et ses principes fondamentaux lesquels structurent la nation.

Ici se place le cas de ce qui se passe après un attentat terroriste de grande ampleur comme ceux du 13 novembre 2015 (Saint-Denis, 10e et 11e arrondissements, Bataclan). La réaction des Français a été qualifiée de résiliente pour diverses raisons :

  • en raison du sursaut qui a suivi,
  • parce-que les actes n’ont pas dressé les Français les uns contre les autres et à provoquer une guerre civile.

Il convient de souligner que la résilience d’une société ne saurait reposer sur la seule capacité de chaque citoyen à faire face à l’adversité.

1.2.1 – La construction de la résilience d’une nation

La construction de la résilience d’une nation s’articule autour de quatre axes :

  • le cadre légal, celui de l’État de droit qui permet d’affronter les crises graves,
  • le projet de société qui fédère des citoyens et forge le sentiment d’appartenance avec le désir de faire front ensemble,
  • l’affichage des symboles et des valeurs communs,
  • la confiance des citoyens envers ses représentants.

La résilience, comme la sécurité, ne se décrète pas, elle relève d’une démarche volontaire du citoyen.

1.2.2 – Résilience acquise ou innée ?

La résilience n’est pas innée, c’est un trait de caractère qui se construit, se développe et se renforce. Pourtant, on pourrait croire le contraire ? Il ne faut pas confondre l’esprit belliqueux, guerrier, velléitaire de certains peuples avec l’esprit de défense. En France, de nos jours, la résilience est le fruit d’une patiente construction sociale, inscrite dans le temps long. Elle remonterait à la révolution de 1789 et aux soldats de l’an II ?

1.2.3 – Les institutions qui développent la résilience

De tout temps et en tous lieux, il y a eu des nations avec une longue tradition de servage, d’esclavage sous la férule de tyrans. La plupart de ces nations se sont soulevées, libérées, dotées d’institutions démocratiques. La France l’a démontré avec ses soldats-citoyens qui sont partis en 1914 se battre contre l’envahisseur allemand (prusso-austro-bavarois). La France est une nation qui prétend se défendre et non attaquer. Si la seconde guerre mondiale a connu un fléchissement national qui a conduit à un armistice funeste, la résistance à l’envahisseur a fini par unir un peuple qui a gagné sa victoire avec l’aide de ses colonies, des résistants, des soldats refusant l’abaissement et des alliés qui leur ont fourni des armes. La nation en armes ! Les noms de De Gaulle, De Lattre et Leclerc ne doivent pas être oubliés ainsi que ceux qui se sont battus à leurs côtés.

Des institutions existent de nos jours qui vont permettre au citoyen de s’impliquer dans sa propre sécurité, en développant l’esprit de défense. Le contraire état l’esprit de Munich !

2 – L’esprit de défense

Le grand mot est lancé : l’esprit de défense ! Le constat est fait que les ressources de l’État ne peuvent pas tout faire devant la diversité des menaces et leur inscription dans un temps long. Il faut un changement de posture : le citoyen peut et doit s’investir, (nous citons) « s’impliquer dans sa propre sécurité », sans haine ni désordre, quand le mal est là, quand un évènement tragique survient.

2.1 – Indifférence ou résilience

Il ne faut pas céder à la facilité consistant à confondre l’indifférence ou la facilité avec la résilience. Cette dernière qualité, nous l’avons dit, (nous citons) « suppose une démarche volontaire ». Le citoyen participe à la défense de son pays. L’indifférence peut conduire au pacifisme et à l’esclavage. La défense conduit à la résilience.

Mais comment définit-on la défense ?

2.2 – La défense

Tout organisme vivant (plante, animal, être humain) développe des mécanismes visant à répondre à une menace ou une agression. Ce mécanisme est la défense. Nos sociétés se défendent et il n’existe pas d’état qui ne possède une armée et des forces de sécurité pour se défendre.

En France, la défense est nationale, globale, armée. Elle est centralisée et, depuis la suspension du service national, elle est confiée à des professionnels, ce qui tend à démotiver, sauf exceptions, les citoyens qui deviennent passifs.

2.3 – L’esprit de défense au service de la résilience nationale

Le constat a été fait que la centralisation de la gestion centralisée de la sécurité a éloigné le citoyen des problématiques de sécurité au quotidien. La France a un gros retard à rattraper en la matière mais dispose d’atouts. La France n’en est, cependant; qu’aux balbutiements.

2.2.1 – L’IHEDN

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L’Institut des Hautes Études de la Défense Nationales (IHEDN) forme des citoyens de la société civile, des fonctionnaires de haut-niveau et des militaires, ensemble, à l’esprit de défense. L’objectif n’est pas de former des tireurs à l’arme à feu mais d’aviser, de préparer les citoyens dans une perspective de résilience. Il les prépare à mieux affronter l’adversité dans une perspective de résilience individuelle et collective. Un des axes de son action est dirigée vers notre jeunesse par le canal de ses professeurs : j’ai nommé les Trinômes Académiques, Armée, Éducation Nationale, IHEDN. Ce réseau apporte une contribution utile, en particulier aux réserves citoyennes.

2.3.2 – Les réserves citoyennes

Depuis la « mise en sommeil » du service militaire obligatoire et l’institution d’une armée de métier, le problème se pose de manière aigüe des réservistes notamment dans des armes de spécialistes ou de nouveaux théâtres d’opérations comme le cyber-monde et la cyber-sécurité. Des places existent au sein des armées, des forces de sécurité (gendarmerie, police, douanes) pour accueillir pour des périodes plus ou moins longues, des citoyens volontaires de tous âges. Ce sont les réserves citoyennes. Cette mobilisation des citoyens a été montrée après les attentats de 2015.

La réserve citoyenne de défense et de sécurité est composée de volontaires agréés par les autorités militaires pour contribuer au renforcement du lien entre les armées et la société civile. Si vous souhaitez en faire partie, vous devez remplir certaines conditions, notamment d’âge et de nationalité. La participation à la réserve citoyenne n’ouvre pas droit à rémunération ou indemnisation. Il existe une réserve citoyenne dans chaque arme.

2.3.3 – La garde nationale

Actuellement « La Garde nationale, ce sont des femmes et des hommes volontaires qui décident, en parallèle de leur vie civile, de s’engager dans la réserve opérationnelle au service de la protection des Français ». C’est ainsi que définit le site consacré à cette nouvelle formation.

3 – Les exemples étrangers

Deux pays sont exemplaires en matière d’engagement citoyen, l’un a une vielle tradition, j’ai nommé la Suisse (Confédération Hélvétique), l’autre une tradition plus récente, le Sénégal.

3.1 – La Suisse

La Confédération hélvétique (nous abrègerons en Suisse) dispose d’une armée de milice[1].  C’est une armée où les civils sont formés pour participer à des missions militaires en complément de leurs formations professionnelles. Il s’agit d’un type d’armée principalement utilisé en Suisse. C’est un système d’organisation couramment pratiqué dans la vie publique de ce pays, elle tient sa forme d’une idée républicaine selon laquelle un citoyen a les capacités d’assumer des charges et des tâches publiques à titre extra-professionnel et bénévole. C’est une expression empruntée au vocabulaire militaire (du latin militia, service militaire) dont l’origine remonte à la démocratie athénienne et au début de la république romaine ; depuis l’antiquité la notion de milice comprenait l’exercice de charges civiles.

L’Armée suisse est encadrée par des militaires professionnels. Elle est équipée de systèmes d’armement et d’équipements modernes, sophistiqués et bien entretenus, elle a pour mission d’assurer la défense du territoire suisse, la sauvegarde des conditions d’existence de la Suisse et de contribuer à la promotion de la paix à l’étranger. De par sa politique de neutralité, la Suisse s’efforce de maintenir une défense aussi autonome que possible, bien que le rapport de politique de sécurité 2000, intitulé Sécurité par la coopération ait ouvert la voie à une coopération accrue avec l’étranger, notamment en matière de participation à des exercices communs. Sa devise est Sécurité et liberté. Les réservistes suisses sont régulièrement appelés à des périodes militaires. Ceux qui résident à l’étranger sont tenus à payer un impôt spécifique s’ils ne peuvent répondre à leur devoir militaire.

La doctrine militaire s’articule dans le cadre d’une coopération plus ou moins explicite avec les pays limitrophes, doctrine du pas de vide militaire qui vise à éviter que la Suisse ne devienne le ventre mou d’une Europe soumise à une invasion massive. Toutefois les menaces militaires ont changé, notamment avec la chute de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), ce qui a forcé l’Armée suisse à effectuer une série de réformes, telles que la décision, prise en mai 2011 de mettre hors service les batteries Bison et les pièces d’artillerie de forteresse.

L’Armée suisse est classée 39e armée selon la liste des armées nationales par effectif.

3.2 – Le Sénégal

Le Sénégal est un pays de l’Afrique de l’Ouest bordé par l’océan Atlantique à l’Ouest et par la Mauritanie au nord, le Mali à l’est et la Guinée-Bissau au sud.

Ce pays a développé un réseau opérationnel national d’assistants à la citoyenneté de proximité, l’ASP. Ce réseau est composé de 10.000 volontaires, des citoyens acteurs de la sécurité. La présence de ces acteurs a permis de diminuer la délinquance et facilite la remontée d’informations utiles, notamment face à la montée de l’islamisme radical.

En conclusion

Le chemin, dans notre pays, en France, est long à parcourir avant d’atteindre un niveau de résilience optimal. A côté des réticences d’ordre politiques (mauvaise expériences passées avec l’engagement citoyen assimilé à la délation), la méfiance des militaires à l’égard des « galons en zinc », il y a le manque de motivation des intéressés, les citoyens. Il y a pourtant urgence pour amener la résilience à son meilleur niveau. Le chemin passe par l’école de la République dans ses niveaux (primaire, secondaire et supérieur) et le pouvoir politique a le devoir impératif de favoriser, sans tarder, l’engagement des citoyens. Serions nous moins intelligents que les Suisses ou les Sénégalais ?


[1] La Milice française, souvent appelée simplement Milice, était une organisation politique et paramilitaire française créée le 30 janvier 1943 par le gouvernement de Vichy pour lutter contre la Résistance, qualifiée de terroriste. C’était une police supplétive de la Gestapo allemande. De triste mémoire !

Ici on s'honore du titre de Citoyen

Un volontaire de la Réserve Citoyenne de  la Gendarmerie Nationale

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