Les blocages administratifs, mal français

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Introduction

Ici on s'honore du titre de Citoyen

Un de nos contributeurs a réagi à l’article sur l’État profond source de blocages. Nous réagissions donc et avons suivi son conseil. Nous avons lu l’article de l’hebdomadaire Marianne (n° 1207, 1er au 7 mai 2020) Notre administration naufragée (pages 22-31). Nous avons aussi relu nos “vieux” hebdos dont Le Nouvel Observateur (n° 2052, 4 au 10 mars 2004, pages 14 à 29) 

Cette caste qui tient la France.. Cet article signale et résume le livre de Ghislaine Ottenheimer Les Intouchables. Grandeur et décadence d’une caste : l’Inspection des Finances (Paris, Albin Michel, 2004). J’y ai ajouté plusieurs ouvrages :

  • Agnès Verdier-Molinié : Ce que doit faire le (prochain) Président (Paris, Albin Michel 2017),
  • Vincent Jauvert : Les intouchables d’état : bienvenue de Macronie (Paris, Robert Laffont, 2018),
  • François Ruffin : Ce pays que tu ne connais pas (Paris, Les Arènes, février 2019),
  • Juan Branco : Crépuscule : préface de Denis Robert (La Laune, 30600 Vauvert, Au Diable Vauvert, mars 2019).

Astérix le Gaulois et ses compains ont bu leur potion magique et vont faire valoir leur citoyenneté, leur civisme, leur attachement à leur patrie franque et le désir de vaincre, certes, le virus mais aussi par les urnes, ceux qui trônent au sommet de l’État et qui ont des comptes à rendre.


La crise sanitaire du Coronavirus (SRAS-CoV-2) a frappé notre pays de plein fouet. La pandémie CoVid-19, partie de Chine, a touché notre pays et le confinement qui a été déclaré et imposé a, certes, stoppé la progression du mal, limité son impact mais il en est découlé pour notre pays une crise économique qui s’inscrit dans un contexte mondial ! Sous la plume de Mme Natacha Polony (Marianne n° 1207, p. 22) écrit « L’impression d’avoir vécu une étrange défaite. Non pas que mars 2020 soit juin 1940. Il n’y a pas eu d’effondrement mais un sentiment de déclassement.». Un de mes amis, auditeur de l’Institut des Hautes-Etudes de la Défense Nationale, membre de plusieurs associations qui défendent et soutiennent nos armées, historien militaire amateur, gendre d’officier, n’apprécie pas ce rappel douloureux à un passé encore proche. Revenons à notre 21e siècle et aux sources notre mal français.

1 – Une administration forte, centralisée

Nous avons démonté le mécanisme étatique dans un article sur ce qu’on appelle l’État profond.

1.1 – Le jacobinisme

Notre administration a été voulue forte et centralisée. C’est le jacobinisme. Cette doctrine a dominé la Ve République. Tout doit être gouverné du sommet, de la capitale, la république est une et indivisible. Il en est résulté une administration fortement hiérarchisée, centralisée. De la création des départements et des Préfets, proconsuls de l’État, est sorti une administration locale qui était gouvernée par les dits préfets.

1.2 – Le mille-feuilles administratif

L’empilement des couches administratives fait pense à un mille-feuilles.    Les français ont exprimé leur volonté de simplifier.

1.2.1 Les régions et la décentralisation

La création des régions a ajouté une couche au mille-feuille origine, lequel était relativement simple. La couche supplémentaire acquérait une certaine autonomie avec cependant un Préfet de région. La nouvelle collectivité, comme les autres (communes et départements) avait une assemblée délibérante. Le Préfet n’était là que pour veiller à la légalité des décisions prises et la conformité des actes à la loi (marchés publics, …). Deux domaines échappaient à l’autorité du Préfet : l’Education Nationale avec son Recteur d’académie et la Santé avec son Agence Régionale de la Santé. Chacun est placé sous l’autorité du Ministre compétent.

Pour compliquer le millefeuille, on a mis en place des collectivités placées à côté des départements : les établissements publics de coopération inter-communale (agglos, métropoles, communautés de communes).

1.2.2 Rivalités, conflits

Cette pyramide avec ses compartiments parallèles est compliquée par le fait qu’il y a une cassure entre l’échelon territorial (régions, départements, communautés de communes, communes) et l’échelon national. Les deux administrations ont des corps différents d’administration. il y a :

  • la fonction publique nationale,
  • la fonction publique territoriale,
  • la fonction publique hospitalière,
  • la fonction publique militaire,

Ces différents fonctionnaires sont jaloux de leurs prérogatives, d’où des conflits d’égos plutôt que des coopérations dans l’intérêt du bien public. Les prérogatives des uns et des autres ne sont pas ou sont mal coordonnées. L’équilibre des égos, en cas de crise grave, se brise.

1.2.3 Conséquences sur la crise

L’administration, au cours de notre histoire, a su affronter les tempêtes et les crises. Son caractère lent et procédurier s’est accentué au cours de la crise et elle n’a pas su éviter les écueils de la pandémie à SRAS-CoV-2 (maladie du CoViD-19). Pourquoi ?

L’hebdomadaire Marianne précité (p. 22) nous donne une piste supplémentaire : la complication avec l’introduction, de « La généralisation de la gestion à l’anglo-saxonne, à base de « process » et de « reporting », plaquée sur la culture administrative centralisée à la française, [qui] aboutit à une inflation paralysante.» Le néolibéralisme a fait son oeuvre !

Un de mes amis hospitalisé avant la crise avait remarqué dans les services où il était passé un bureau de « Cadre administratif ». Il n’a pas pu savoir quel était son rôle ? Compter les seringues, les cartouches d’encre des imprimantes ? Gérer les stocks de pharmacie et de consommables, veilleur aux approvisionnements ?

Une particularité, la gestion administrative des établissement publics de santé est complexe. Il existe un Conseil de surveillance et à Montpellier, le Maire-Président de Métropole en est le Président.

Le vaisseau de la Santé Publique en France est un lourd pachyderme, un « lourd vaisseau qui prend l’eau », en cas de crise majeure.

1.3 – La paralysie institutionnelle

Le fait que tout soit centralisé, avec des ramifications horizontales et verticales a eu pour conséquence une paralysie qui n’est pas conjoncturelle mais structurelle. « Quand la tête ne guide plus, chaque échelon est invité à limiter au maximum les initiatives et à se défausser sur l’échelon supérieur. ». On ouvre le parapluie et on ressort le bon vieux principe de sagesse des « trois petits singes », principe qui serait enseigné à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA).

Trois petits bonzes

Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire !

Or, en plein déploiement de la pandémie, la tête à changé, chacun selon son humeur a déployé son parapluie ou tiré la couverture à soi.

La tête nouvelle a dû affronter la vérité terrain, la gripette était une redoutable saleté venue à pied par la Chine, à pied, à cheval, en voiture, en avion. Si les virus n’ont pas de passeports, ceux qui les portent en ont, ils ont circulé !

2 – Les blocages constatés

En dehors des pénuries constatées (masques, tests, équipement des soignants, …) les blocages divers ont mis notre pays et sa population en danger et ont amené les premiers mensonges d’état. C’est pas si bête que çà, avec une porte-parole qui avait avoué ingénument « mentir pour protéger son Président ».

2.1- Le premier blocage

Selon comment on l’examine, ce blocage est un non-blocage venant d’un blocage intellectuel de la tête : il ne fallait pas fermer nos frontières et les piétons descendus de l’avion, à pied, en provenance de la Chine, ont introduit le virus.cry mad confused

Nous citons le cas d’un ami de retour du Vietnam le 30 janvier 2020 qui a changé d’avion à Pékin. Il a été “épluché” à l’aéroport de Pékin et à son arrivée à Roissy, rien, aucun contrôle sanitaire, même pas un contrôle de température. Il a regagné son domicile près de Montpellier en TGV.

2.2 – Pas de vétérinaires ici !

La médecine vétérinaire ne dépend pas du même ministre. Le principe est de veiller à la santé humaine en soignant les maladies des animaux et la surveillance des circuits alimentaires. Il y a des coronavirus animaux susceptibles de “sauter” sur un être humain.

Marianne (p. 23) dénonce le blocage pendant 3 semaines (par les ARS) des acteurs du diagnostic produisant des tests pour animaux. Or, ce sont les mêmes réactifs, les mêmes machines; Il y avait pénurie en milieu de médecine humaine hospitalière. Au final, le Ministre Olivier Véran a débloqué la situation ! « Les vétérinaires biologistes n’étaient pas habilités à traiter les prélèvements humains … ». Il a fallu trois semaines pour vaincre l’encadrement juridique qui s’imposait même en période de crise ! Ce n’est que le 6 avril 2020 que le verrou a sauté ! Merci Monsieur le Ministre !

Mais là où la mesure est à son comble, est le refus de mettre dans le circuit les laboratoires privés de biologie humaine ! UBU, Courteline, … pas morts !

2.3 – Un cabine privé de conseil en stratégie

L’hebdo Marianne nous apprend aussi que le Ministre de la Santé (et son ministère ?) a fait sauter le verrou en missionnant un cabinet privé de conseil en stratégie (Bain et Cie, bureau de Paris). Les laboratoires privés de biologie trouvent, enfin, un interlocuteur qui fait répondre aux courriers adressés depuis des semaines, restés sans réponses ! Des visioconférences ont lieu avec des représentants de l’Élysée, du Monsieur Déconfinement, … Nous posons la question : qui a bloqué et pourquoi ? Il y a des coups de pied au c… qui se perdent.

Le clivage administratif ministères-collectivités-ARS-Préfets a eu des conséquences.

2.4 – Les rivalités administration centrale et collectivités territoriales

Y-a-t-il eu une incompréhension entre les couches du millefeuilles administratif ? Nous lisons dans Marianne (p. 23) qu’il y aurait une « rivalité entre administrations centrales [ministères] et collectivités locales ». C’est un euphémisme ! Entre les ARS, les Préfets (de région et de département) et les Présidents de conseils divers, des murs de forteresses se sont dressés, au détriment de la santés et des mesures nécessaires. Les différences de couleurs politiques ont-elle joué ?

2.4.1 Cas des EPHAD

Marianne cite un président de Conseil départemental (sensibilité Les Républicains) qui écrit (le 4 avril 2020) au ministre pour demander un dépistage de tous les résidents d’un EPHAD (La Rivièra, Mougins). Il y a eu là 36 décès en moins de 30 jours. Cause toujours ! Il n’y a pas eu de réponses ! A croire, avec ce que nous avons exposé ci-dessus qu’il n’y a personne qui lit les lettres au Ministère de la Santé ou qu’un président ce collectivités est quantité négligeable, ou qu’il y aurait des directives données pour ne pas répondre aux « frères ennemis ». L’élu insiste, il avait réclamé ces tests auprès de l’ARS PACA. Là, il lui a été répondu « qu’on suivait les consignes du ministère.». Circulez, il n’y a rien à voir ! Les perdants de ce ping-pong administratif : on sait le drame vécu dans les EPHAD, le manque de moyens, … ARS, Préfets de région, quelle a été la posture ? Les échelons administratifs ont ouvert le parapluie. Ou alors, on a joué aux petits chefs.

2.4.2 Mesures prises par les maires

Des maires ont cru pouvoir utiliser leur qualité d’officiers de police judiciaire pour décréter des interdictions sur le territoire de leur commune, avec l’aval de leur assemblée délibérante communale. Pourquoi cette idée saugrenue ? Est-ce parce qu’un président de la république, au début de son mandat a snobé ces minus de campagne ? Le Préfet du coin s’est empressé de casser leurs arrêtés, a déféré ces papiers au Conseil d’État. Retour dans vos mairies, non mais ?  frown  Le masque ne sert à rien et l’interdiction de circuler vers Sète a été cassée !

2.4.3 La Direction générale de la Santé

La direction générale de la Santé a de grandes ambitions sur son site. Marianne (p. 24) l’accuse d’avoir « péché par ignorance ». Son rôle, pourtant est primordial, celui d’une vigie qui scrute l’horizon. Son directeur n’est autre que M. Jérôme Salomon. Cet éminent professeur gère une quantité impressionnante de sous-directions et d’agences. C’est ce professeur qui a averti le président de la république de l’impréparation du pays aux crises sanitaires qui pourraient survenir (5 septembre 2016). En février 2020, selon Marianne (p. 24) « il s’est félicité quotidiennement de la « stratégie française » pour empêcher l’épidémie estimant que la « surveillance étroite » de chaque cluster devait permettre de lutter contre un « virus de la grippe » … « probablement moins contagieux que la grippe saisonnière». ». Au même moment, la Chine faisait le bilan de son épidémie dont, manifestement, personne n’avait tiré la leçon. C’est loin, la Chine ! Pourtant, sa ministre, lui et divers autres ont étudié la médecine ! De médecins, ils sont devenus hauts-fonctionnaires et ont oublié leurs études ? Si on peut reprocher aux hauts-fonctionnaires sortant de l’ENA leur manque de formation médicale, biologique et écologique, eux au moins ont appris ce qu’est un virus. M. Salomon a complété ses études de médecin par un DES de médecine infectieuse et tropicale et un autre de santé publique.

Marianne accuse M. Salomon (p. 24) de n’avoir pas su « anticiper le crash sanitaire à venir.». Et d’avoir tenu « des discours lénifiants.» Ce n’est pourtant pas un énarque ! Eux au moins sont formés !

3 – Les causes du mal

On est en droit de s’interroger sur ce qui a pu ainsi paralyser une administration toute puissante ? Nous avons une école nationale présentée comme la meilleure au monde.

3.1 – La formation des hauts-fonctionnaires

Les hauts-fonctionnaires sont, en principe, formés dans l’École Nationale d’Administration (ENA). Pas tous, nous avons vu le cas de la Santé où les professeurs de médecine sont à la tête des ministères chargés de la santé et de ses sous-directions. Mais, rassurons nous, le chef de l’état et son premier ministre, ses ministres (finances notamment). Les énarques sont le haut-du-pavé !   

3.1.1 Préparation aux crises

La préparation aux crises semble être le nec-plus-ultra de leur formation. Ils semblent être bien préparés !  Pourtant, là, devant une micro-particule d’ARN et de protéines animées de mauvaises intentions, ils ont capitulé et vous connaissez la suite ! Sont-ils si bien préparés ?

3.1.2 Les préparations à la suppression …

Il est très difficile de connaître le programme exact de l’ENA. Mais, il y a des fuites. Un des trois petits singes a parlé ! En 2012 et 2015, un des exercices typiques était « la suppression d’un hôpital » ! L’enfer est pavé de bonnes intentions : nous avons eu l’enfer, arrivé à pied de la Chine ! A pied, en avion, en voiture !

3.1.3 La gestion de la crise sanitaire

Avec toutes ces sommités à la tête de notre état, pas de stratégie claire sinon des mensonges en cascade, des silences vis-à-vis des élus de l’opposition, des silences des élus de la majorité !

Il a fallu faire appel à un cabinet privé de stratégie.

3.2- Les insuffisances administratives

Un de mes amis m’a relaté son expérience comme chargé d’études de haut-niveau dans un ministère que je ne nommerais pas mais qui m’est cher. Ce ministère est solidement tenu par un corps d’état puissant, hiérarchisé avec ses Inspecteurs généraux, ses directeurs, ses Ingénieurs en chef et ingénieurs tout court, … Jamais un fonctionnaire ne fait une étude lui même, même s’il est compétent. Il s’abrite sous le parapluie d’un cabinet d’études privé commissionné et rétribué ! En cas de pépin (la trouille du fonctionnaire, Marianne p.25), on se rabat sur le coupable ! On tire la couverture, on ouvre le parapluie.

3.3 – Le recours à un bureau d’études privé

Le principe énoncé ci-dessus a été mis en œuvre par le premier ministre pour sa stratégie. Ce bureau semble compétent, il a tout intérêt à l’être. Toute stratégie implique un but (un objectif). C’est le déconfinement, en évitant une deuxième vague de l’épidémie.

Conclusion

Nous avons en France une administration pléthorique. Notre propos n’était pas la comparaison avec les pays voisins membres de l’Europe et particulièrement l’Allemagne. Nous consacrerons un autre article à ce sujet. Comme contribuables et citoyens, nous ne pouvons accepter que nos anciens aient été exposés à un danger mortel et que certains en soient morts. Nous ne pouvons accepter cette paralysie de l’appareil d’état ni les guerres picrocholines entre administrations supposées gérer le bien commun.    A quoi à servi le grand débat ? Du foutage de gu … !

La politique du parapluie et de la couverture tirée à soi doit cesser. Comme doit cesser la domination d’une caste puissante néolibérale sur notre pays. Nous ne nous réjouissons pas de la débâcle à la française et, pour le moment, il ne sera pas question de dissoudre quoi que ce soit. Comme doit cesser la désindustrialisation de la France ! L’affaire des masques et des test de dépistages nous a montré les ravages de l’appauvrissement industriel de notre pays.

Néanmoins, le jour d’après devra faire le bilan des responsabilités et de récompenser ceux qui ont essayé, contre l’inertie bureaucratique, de faire preuve d’initiatives qui ont profité au bien public.

De profondes réformes doivent être entreprises et le mensonge devra être déclaré hors-la-loi, passible de graves sanctions.

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Signé : Le veilleur et lanceur d’alerte

Ecologiste indépendant et écologue fatigué

L’administrateur du site, webmestre
Docteur (non médecin) en sciences biologiques option écologie
Citoyen et contribuable de l’Hérault

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