CoViD 19 : l’analyse des génomes révélerait une origine double du virus

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Article republié avec l’autorisation de et d’après « THE CONVERSATION France »


Covid-19 : l’analyse des génomes révèlerait une origine double du virus

Une grotte dans la forêt
L’origine du virus est encore trouble : une grotte, la forêt… Michal Ico/Unsplash

Alexandre Hassanin, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)

En l’espace de quelques semaines, nous avons tous appris beaucoup de choses, mais aussi entendu pas mal de rumeurs sur la maladie Covid-19 et le virus responsable : le SARS-CoV-2. Alors que le nombre d’articles scientifiques sur ce virus ne cesse d’augmenter, il subsiste encore bien des zones d’ombre quant à l’origine de ce virus.

Dans quelle espèce animale est-il apparu ? Une chauve-souris, un pangolin ou une autre espèce sauvage ? D’où vient-il ? D’une grotte ou d’une forêt de la province chinoise de Hubei ou bien d’ailleurs ?

En décembre 2019, 27 des 41 premières personnes hospitalisées (66 %) sont passées par un marché situé en plein cœur de la ville de Wuhan, dans la province de Hubei. Mais l’origine de l’épidémie n’est probablement pas liée à des contacts avec des animaux vivants ou morts présents sur ce marché, car il apparaît, d’après une étude chinoise menée à l’hôpital de Wuhan, que le tout premier cas humain identifié n’a pas fréquenté ce marché.

En accord avec cette hypothèse, les datations moléculaires estimées à partir des séquences génomiques du SARS-CoV-2 indiquent plutôt une origine en novembre. On est donc en droit de s’interroger sur le lien entre cette épidémie Covid-19 et la faune sauvage.

Ce que l’on sait grâce aux données génomiques sur les Betacoronavirus

Le génome du SARS-CoV-2 a été rapidement séquencé par les chercheurs chinois. Il s’agit d’une molécule d’ARN d’environ 30 000 bases contenant 15 gènes, dont le gène S qui code pour une protéine située à la surface de l’enveloppe virale (à titre de comparaison, notre génome est sous forme d’une double hélice d’ADN d’une taille d’environ 3 milliards de bases et il contient près de 30 000 gènes).

Les analyses de génomique comparative ont montré que le SARS-CoV-2 appartient au groupe des Betacoronavirus et qu’il est très proche du SARS-CoV, responsable d’une épidémie de pneumonie aiguë apparue en novembre 2002 dans la province chinoise de Guangdong qui s’est ensuite répandue dans 29 pays, notamment en France en 2003.

Au total, 8098 cas ont été comptabilisés, dont 774 décès. On sait que les chauves-souris du genre Rhinolophus (potentiellement plusieurs espèces cavernicoles) étaient le réservoir de ce virus et qu’un petit carnivore, la civette palmiste (Paguma larvata), a pu servir d’hôte intermédiaire entre les chauves-souris et les premiers cas humains.

Depuis, de nombreux Betacoronavirus ont été découverts, principalement chez les chauves-souris, mais aussi chez l’homme. C’est ainsi que le virus RaTG13, isolé à partir d’une chauve-souris de l’espèce Rhinolophus affinis collectée dans la province chinoise du Yunan, a récemment été décrit comme très proche du SARS-CoV-2, les séquences de leur génome étant identiques à 96 %. Ces résultats indiquent que les chauves-souris, et en particulier les espèces du genre Rhinolophus, constituent le réservoir des virus SARS-CoV et SARS-CoV-2.

Chauve-souris, Rhinolophus affinis. Alexandre Hassanin, Author provided

Mais comment définit-on un réservoir ? Il s’agit d’une ou de plusieurs espèces animales peu ou pas sensibles au virus, qui vont naturellement héberger un ou plusieurs virus. L’absence de symptôme de la maladie s’explique par l’efficacité de leur système immunitaire qui leur permet de lutter contre une trop grande prolifération virale.

Mécanisme de recombinaison

Le 7 février 2020, nous apprenions qu’un virus encore plus proche du SARS-CoV-2 avait été découvert chez le pangolin. Avec 99 % d’identité annoncé, cela en faisait un réservoir plus probable que les chauves-souris. Une étude plus récente, actuellement en cours d’expertise, suggère néanmoins une situation bien plus complexe. Finalement, le génome du coronavirus isolé chez le pangolin malais (Manis javanica) n’est globalement pas si proche du SARS-Cov-2, avec seulement 90 % d’identité. Il n’est donc pas responsable de l’épidémie qui sévit actuellement.

Cela dit, le virus isolé chez le pangolin présente bien 99 % d’identité avec le SARS-Cov-2 si l’on compare les 74 acides aminés d’une région particulière de la protéine S, le domaine de liaison au récepteur ACE2 (Angiotensin Converting Enzyme 2) qui permet au virus d’entrer dans les cellules humaines pour les infecter. Dans la même région, le virus RaTG13 isolé chez la chauve-souris R. affinis est quant à lui très divergent (77 %).

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Un coronavirus provenant du pangolin pourrait être l’une des sources du virus Covid-19. Wildlife Alliance/Flickr, CC BY

Pour simplifier, cela signifie que le coronavirus isolé chez le pangolin est capable d’entrer dans les cellules humaines alors que celui isolé chez la chauve-souris R. affinis ne l’est pas. Par ailleurs, cela suggère que le virus SARS-Cov-2 est issu d’une recombinaison entre deux virus différents, l’un proche de RaTG13 et l’autre plus proche de celui du pangolin. En d’autres termes, il s’agit d’une chimère entre deux virus préexistants.

Ce mécanisme de recombinaison avait déjà été décrit chez les coronavirus, notamment pour expliquer l’origine du SARS-Cov. Il est important de savoir qu’une recombinaison aboutit à un nouveau virus potentiellement capable d’infecter une nouvelle espèce hôte. Pour qu’une recombinaison se produise, il faut que les deux virus divergents aient infecté le même organisme de façon concomitante.

Deux questions restent en suspens : dans quel organisme a eu lieu cette recombinaison ? (une chauve-souris, un pangolin ou une autre espèce ?) Et surtout dans quelles conditions a eu lieu cette recombinaison ?

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Alexandre Hassanin, Maître de Conférences (HDR) à Sorbonne Université, ISYEB – Institut de Systématique, Evolution, Biodiversité (CNRS, MNHN, SU, EPHE, UA), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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